Notre combat
Je suis Carmen Vouilloz, la tante d’Angeline, sa tatounette, elle était ma Bulle d’Amour.
Quand Angeline a eu 6 ans, sa maman est partie. Dès lors, j’ai épaulé mon frère Fabrice pour élever notre Ange. Nous habitions une grande maison familiale avec 2 appartements, je travaillais à mon domicile, mon frère partait tôt le matin et ne rentrait que le soir. J’ai donc eu le privilège de pouvoir m’occuper d’Angeline quotidiennement. Notre lien d’amour était déjà puissant ainsi que notre complicité et aussi celle qui l’unissait à ma fille Déborah: sa sœur de cœur. Nous partagions un amour incommensurable.
Le combat d’Angeline a été : 37 mois d’espérance, 15 interventions, des infections de sa prothèse à répétition, des mois d’antibiotiques, de terribles mucites, des fièvres de cheval, de multiples neutropénies, la perte de ses cheveux par 3 fois, des pneumothoraxs, des cycles de chimiothérapie d’une intensité hallucinante…. Mais tout cela avec une foi inébranlable, une force, une volonté, une détermination exemplaire.., je n’utiliserais pas le mot courage, car elle n’aimait pas qu’on lui dise : << Tu es courageuse..>>. Pour Angeline le courage c’était de choisir de faire quelque chose qui lui faisait peur, et par rapport à sa maladie, c’était l’envie de vivre qui l’animait, pas le courage. Et en plus, ce n’était pas son choix d’être malade. Dès lors, elle s’est battue avec sa maladie et pas contre elle …
Le début de son séisme commence en décembre 2010, elle se blesse à un genou lors d’un cours de gymnastique au collège de ST Maurice. Elle garde une douleur qui n’est pas prise au sérieux par le médecin jusqu’au moment ou elle n’arrive quasi plus à marcher, nous sommes en janvier 2011, là il y a enfin une radio qui est faite et il découvre une tache grise sur le fémur. S’ensuit une batterie d’examens angoissants et alarmants tant pour Angeline que pour nous, puis le verdict tombe: c’est un cancer de l’os… un ostéosarcome et ses 2 poumons sont criblés de métastases… Il y en a tellement qu’il n’arrive pas à les compter… Angeline à 15 ans, une santé de fer.., elle qui n’est jamais malade.., elle a un cancer…
Le médecin nous explique que les cellules de son genou blessé ne se sont pas réparées correctement, qu’elles ont « mutés », fait les « folles » et que cela a déclenché cet horreur de cancer, l’ostéosarcome représente 2% des cancers chez l’enfant, c’est un cancer rare…
Nous sommes bouleversés, anéantis.. Mais pas le temps de s’attarder sur nos sentiments, il faut partir pour le CHUV, le temps presse, le pronostic n’est pas bon, la chimiothérapie commence très rapidement et de façon intensive, nous sommes au CHUV plus de 3 semaines par mois, le médecin nous informe qu’il est impératif de stopper les métastases et de faire diminuer la tumeur afin de pouvoir l’opérer et de mettre une prothèse prévue pour le mois de mai si elle arrive à vivre jusque là…, il faut aussi sécuriser chacun de ses pas afin d’éviter une chute ou un choc qui pourrait briser son os qui est devenu aussi fragile que du verre, et si cela devrait arriver il n’y aurait plus d’autre choix que l’amputation.., une extrémité que notre Ange redoutait plus que tout..
Ce cancer est un combat de chaque instant pour Angeline, mais aussi pour son papa, pour sa sœur de cœur Déborah et pour moi. Avant ce tsunami, nous étions déjà très soudés , mais dès le verdict nous avons fait front tous ensemble et nous avons enclenché un mode de survie où seule comptait Angeline, ses besoins, ses soins, et le moment présent. Les projets peuvent bien aider à avancer et faire rêver, mais ils sont souvent anéantis par les conséquences de la maladie et les dommages collatéraux qu’elle provoque.
J’ai arrêté de travailler pour être auprès d’Angeline 24 heures sur 24, son papa nous rejoignait au CHUV tous les soirs, les week-end et tous les jours qu’il pouvait, sa sœur venait souvent aussi. Ses amis venait de temps en temps.. mais Lausanne c’est bien loin du Valais.. Au début le reste de la famille et nos amis sont assez présents, puis ils se retirent un peu et disent tous avec beaucoup de cœur : << si vous avez besoin de quelque chose, n’hésitez pas à demander..>> . Mais comme nous ne pouvions jamais rien trop prévoir, nous évitions et avancions au mieux.. Au fur et à mesure les semaines puis les mois passent. La distance s’installe avec tout le monde, c’est finalement assez normal.. Ils continuent tous leur train-train quotidien et nous le notre, mais qui lui est en perpétuel points de suspensions… Nous vivions au jour le jour, parfois 1 heure après l’autre et trop souvent 1 minute après l’autre.
Certains médecins ont été merveilleux et d’une humanité extraordinaire, un vrai soutien, d’autres par contre se sont clairement trompés de métier…
Les infirmières du 11e étage ainsi que celles qui viennent à domicile, sont bienveillantes, compétentes, efficaces et dotées d’une connaissance plus approfondie de leur patient parce qu’elle les entourent, les soignent et passent de nombreuses heures à leur côté. Elles savent être à l’écoute avec professionnalisme bien sûr, mais aussi avec beaucoup de cœur. Elles sont de précieuses alliées dans ce terrible combat.
Dans les derniers jours de vie d’Angeline nous l’avions gardée à la maison. Elle a été exemplaire, rayonnante, pleine d’amour pour chacun d’entre nous, combattante et fidèle à elle-même, elle avait une grande foi et voulait par dessus tout vivre, malgré toutes ses souffrances, et pouvoir se réaliser dans ses souhaits de vie. Elle a cru fort à son étincelle de vie.. jusqu’à son dernier souffle. Nous l’avons accompagnée et nous avons surfé avec elle sur cette flamme d’espérance, de foi et de lumière.
Au matin du 21 mars 2014 Angeline s’en est allé rejoindre les étoiles, emportant avec elle un gros morceau de nous..
L’être humain n’est pas « programmé » pour emmener ses enfants au cimetière, c’est la vie qui s’écoule dans le mauvais sens, comme si le Rhône prenait sa source en mer méditerranée… Ce n’est tellement pas humain qu’aucun mot n’existe dans aucune langue pour définir ce que devient un parent qui perd son enfant.., en effet une femme qui perd son mari devient une veuve, un mari qui perd sa femme devient un veuf, quand nous perdons nos parents nous devenons des orphelins. Que devient-on quand on perd un enfant? Personne n’a su ou n’a pu créer un mot pour « ça » .., Et bien voilà l’après tragédie pour des parents c’est ce RIEN qui habite notre cœur et notre âme au quotidien, il n’y a effectivement pas de mot pour décrire cette grande souffrance qu’est le deuil d’un enfant.., elle est là en permanence, elle vit à l’intérieur de nous tel un nouvel organe qui cherche sa place.., elle a des alliés de choix : le manque, l’absence, la tristesse, le déchirement…, le deuil fait mal tous les jours mais ce n’est pas une maladie dont on peut guérir, il gangrène nos cœurs sans se lasser, il éteint notre flamme.. le deuil d’un enfant est un autre univers, celui où le temps ne change plus rien, le courage encore moins. Il t’apprend que tu ne peux pas mettre tes bras autour d’un souvenir.., que les pages de son album photos resteront définitivement blanches… Le deuil d’un enfant c’est un endroit en soi qui hurle sa souffrance parce qu’aucune place n’a été prévue pour lui, c’est aussi la difficulté de retourner à « l’avant séisme ».., plus rien n’a la même dimension, il faut composer au quotidien avec cet immense vide et il faut faire face au gens, à leurs manquement, leurs silences, leurs éloignement, comme si le malheur était contagieux, à leurs paroles qui se veulent sûrement aidantes mais qui sont souvent si blessantes, si maladroites.. En voici quelques exemples que l’on nous a servi bon nombre de fois : << Vous devez être soulagés maintenant que c’est fini >>, << Je comprends votre tristesse, quand j’ai perdu mon chat j’ai aussi été anéantie..>>, << Il ne faut surtout pas pleurer parce que vous l’empêcher de trouver la paix et d’être bien..>>,<< C’est super maintenant vous allez pouvoir reprendre une vie normale..>>, << Vous allez enfin passer un bon Noël >>.. Et bien non, nous n’allons pas reprendre une vie normale parce que pour nous ce mot ne veut plus rien dire, oui nous continuerons de pleurer car chacune de nos larmes est une perle d’amour pour notre Ange, quand à Noël, comme tous les jours de fêtes, ce sont des jours bien éprouvant où le syndrome de la chaise vide prend alors une ampleur démesurée…
Aujourd’hui même si nous avons toujours aussi mal, nous sommes capables de prendre sur nous, de faire bonne figure… La vie avance, mais le vide s’impose de plus en plus fort.
Nous avons créé l’association les Anges d’Angeline un an après son décès, ceci afin de respecter ses vœux d’aider les autres et de suivre sa trace lumineuse. Cette association n’est pas un pansement pour nos cœurs meurtris, elle est là pour honorer les désirs, les souhaits et le souvenir de notre Ange. En effet, en plus de tout le côté dramatique et émotionnel de la maladie, viennent se rajouter les problèmes d’emplois, d’argent, de frais supplémentaires liés à la maladie et à l’accompagnement des enfants malades. Notre histoire, c’est l’histoire de chaque famille qui se retrouve confrontée au cancer de son enfant.
Je terminerais avec cette phrase de Voltaire, qu’Angeline affectionnait particulièrement et qui dit : << Le malheur peut être un pont vers le bonheur >>…. Peut-être..??….
La prière d’Angeline
❤️❤️❤️ Angeline était très croyante et elle ne s’endormait jamais sans faire ses demandes au Ciel. Cette prière a été enregistrée durant sa maladie, car parfois, elle était si épuisée qu’elle n’avait plus suffisamment d’énergie pour la dire. Elle y exprime ce que chaque enfant malade souhaite du plus profond de son cœur : VIVRE… Elle demande aussi à Dieu, avec ferveur, de soutenir les enfants malades partout dans le monde. Elle souhaitait guérir et pouvoir aider les autres, c’est donc ce vœu qui a mené à la fondation de notre association et cette prière en est le fil rouge. ❤️❤️❤️
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